Comment favoriser l'éveil des vocations?

• On dit souvent que la vocation est un appel. Dieu s’est-il lassé de nous appeler, ou sommes-nous sourds à l’appel de Dieu ? Comment expliquez-vous la chute des vocations, du moins en Occident ?

La société contemporaine, imprégnée d’individualisme et d’horizontalité, tend à s’infiltrer dans nos foyers par capillarité, appuie le cardinal Dsiwisz dans sa préface de mon livre : « En fin de compte, l’axe horizontal des activités pastorales est valorisé au détriment de l’axe vertical, c’est à dire attirer l’attention des chrétiens sur la question fondamentale du Salut. » Dieu continue d’appeler, mais pour dire OUI à un ami, il faut être en relation avec lui, pour accepter la radicalité du ministère sacerdotal, il faut avoir appris ce qu’est le don total ainsi que le sens du sacrifice et du combat spirituel, pour donner sa vie à l’Eglise, il faut constater qu’Elle est aimée inconditionnellement et gratuitement.

• Quel rôle la famille joue-t-elle dans l’éveil à la vocation, et comment ? Sur quels foyers peut-on prendre exemple ?

Il y a un appel des foyers chrétiens à élever les âmes qui leurs sont confiées, les parents sont co-créateurs et auront à rendre des comptes sur ce défi d’éducation chrétienne visant à faire de leurs enfants des hommes libres, debout et dans la crainte de Dieu. Comme l’écrit bien le Père Humbrecht dans « l’avenir des vocations », « Pas plus que l’annonce de l’Evangile, le souci des vocations ne se délègue. ». Or, autant le Bon Dieu se charge de l’appel, le Saint Esprit se chargeant du discernement avec ses 7 dons, autant, NOUS, les parents, nous avons à nous charger du terreau afin qu’il soit propice à l’élévation et la croissance de l’âme de nos enfants, nous avons à leur ouvrir la porte de leur vie intérieure, bref à poser les jalons de leurs vie spirituelle : car qu’adviendrait – il d’une graine vocationnelle qui tomberait en terre hostile ?
J’ai pris comme modèles dans mon livre les parents Wojtyla, Karol et Emilia, donc le procès de béatification a été ouvert l’an dernier et Sainte Monique. Des vies de parents édifiantes et toujours éclairantes en 2023 !

• Les familles chrétiennes peuvent-elles lutter contre la sécularisation du monde sans s’isoler ?

Quand il y a une tempête, on ne déplace pas les phares pour les mettre à l’abri, au contraire, on va les renforcer et s’assurer que leur éclairage fonctionne bien. La société évolue en voulant évacuer Dieu de son quotidien, de plus en plus, mais nos foyers chrétiens demeurent des phares solides pour illuminer la nuit, donner du sens et de la dignité à la vie de chaque personne. Par contre, il ne s’agit pas d’être naïfs, il y a de violentes attaques contre la famille justement, sur la complémentarité homme femme, le sexe reçu lors de notre conception, des attaques sur le sens de l’effort, sur la fidélité, sur la chasteté et le combat spirituel… C’est notre témoignage qui peut toucher les cœurs, nous n’avons pas à avoir peur car nous suivons Celui qui est la Vérité et la Vie. Conscients et responsables, nous devons nous armer (par la fréquentation des sacrements), nous entourer (prêtres et amis) et nous épauler quand cela est plus difficile. Pour finir, je dirais qu’il est capital de dire à nos enfants combien ils sont des héros aujourd’hui, tellement notre Foi nous fait aller à contresens du monde et que Dieu est avec nous, pour toujours.

• Comment les prêtres peuvent-ils aider les familles à écouter l’appel de Dieu ?

Les prêtres, par leur vie donnée, illustrent la nécessité du Sacerdoce Royal pour la Foi du peuple de Dieu et notre Salut. Pour écrire mon livre, j'ai beaucoup lu mais surtout j'ai adressé un petit questionnaire à de nombreux prêtres (il est accessible avec les réponses sur le site www.lespetitsostensoirs.com et en annexe de mon livre). La troisième question portait sur leurs actions en paroisses pour l’éveil vocationnel. Je les ai rassemblées en un chapitre intitulé « Boite à idées pour l’éveil vocationnel » afin que partout, puissent se mettre en place rapidement et effectivement des initiatives qui ont déjà fait leurs preuves et porté du fruit en d’autres lieux.
* prier (proposer des signets avec les séminaristes aux enfants afin qu’ils prient pour eux, la box Vocations qui va de foyers en foyers dans le diocèse des Yvelines ou le Calice d’Hélie dans le diocèse de Bayeux-Lisieux
* encourager au discernement vocationnel (cycle Jean-Paul II dans le diocèse de Luçon, les années pour Dieu telle CAP MISSIO, le Vocatour)
* faire fréquenter des consacrés afin de permettre l’identification (retraites en abbaye, favoriser le service de l’autel, fêter les Jubilés d’ordination) et faire fréquenter le Consacré des Consacrés, le Christ, par les Sacrements généreux
* veiller à ce que chacun de ses petits paroissiens reçoivent une initiation chrétienne complète, achevée
* faire du jour des Ordinations de son diocèse un vrai jour de fête (grand jeu…)

• Aux parents parfois réticents, comment expliquer que leurs enfants seront féconds même s’ils restent célibataires ?

Dans cette question s’entremêlent une légion de craintes : craintes généalogiques, craintes pour le patrimoine familial et sa transmission, crainte de l’extinction du nom de famille, crainte également de ne plus pouvoir voir son fils, crainte de ne plus compter pour lui, crainte qu’il oublie sa famille… Mais un fils prêtre n’est pas mort, il donne la vie au contraire ! L’analyse par le Père Humbrecht de cette crainte fort répandue est très juste : « Les conséquences de l’avarice démographique ne sont pas sans atteindre l’évolution des vocations…. Oui l’égoïsme familial existe. On veut bien prier pour les vocations, à condition qu’elles arrivent du ciel comme Mary Poppins, sans enracinement humain, sans sacrifice familial, oubliant que c’est une grâce et une joie familiale, bien plus qu’un sacrifice » Comme l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, le prêtre se détachera nécessairement de sa famille, de ses parents pour s’attacher à Dieu. Cela parait peut-être plus difficile car l’épouse n’est pas visible comme une belle-fille, les fruits ne sont pas inscrits dans le livret d’état civil comme les enfants et cette invisibilité des deux peut rendre amère la joie de voir son fils devenir prêtre. Encore une fois, regardons le Ciel, ne le quittons pas des yeux afin de ne pas vouloir regarder avec les yeux consuméristes de « l’avoir » ce qui est déjà de l’œuvre de Dieu dans « l’être » de notre fils prêtre. Nos regards et nos cœurs sont biaisés par la cité des hommes, à nous de les purifier en contemplant et désirant notre cité du Ciel. « Le prêtre fait partie de la culture chrétienne à laquelle on croit, mais il lui appartient à titre d’élément de culture et non comme rappel de l’absolu pour moi. Il y a là quelque chose à convertir et à changer dans l’éducation et le discours. Il s’en faut d’un cheveu que tout s’embrase et passe de l’honnête à l’héroïque, de l’humain au chrétien. »

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